La géologie du massif de la Sainte-Baume
Nicolas Peiresc
Historique


Nicolas Peiresc (1580-1637), conseiller au Parlement d'Aix, qui possède une propriété à Belgentier où il réside le plus souvent, est l'un des premiers à observer les paysages de Provence et tenter de les comprendre.

En 1669, Sténon émet l'idée que beaucoup de roches sont d'anciens limons déposés dans l'eau, en couches horizontales à l'origine, puis consolidées et qu'ainsi les couches inférieures sont les plus anciennes. C'est une première étape. Elle annonce les principes de la stratigraphie.

Avec la curiosité nouvelle pour les fossiles au XVIIIème siècle, et en constatant qu'ils sont différents d'une couche à l'autre, on prend conscience que la Terre a une longue histoire et qu'il faut tenter de la reconstituer.

Il faut cependant attendre le XIXème siècle pour voir apparaître les premiers résultats. Matheron publie en 1848 une carte géologique du département des Bouches-du-Rhône et Coquand, en 1865, alors qu'il est en charge des études géologiques pour l'exploitation du lignite du Plan d'Aups, constate que la longue crête de la Sainte-Baume est faite de couches renversées : le Crétacé inférieur est surmonté par le Jurassique qui occupe le flanc sud.

Marcel Bertrand (1890) interprète une structure inattendue plus au sud, l'îlot du Beausset (voir l'article de Charles Casals paru dans le n°14 de “Pays Sainte-Baume”). Une colline formée de couches anciennes (Trias, Jurassique) est posée sur des couches plus récentes du Crétacé supérieur. Ainsi naît la notion de nappe de charriage : une série de couches a été poussée et est venue se superposer à d'autres terrains. La question est posée : n'y aurait-il pas, et sur une plus grande échelle, des structures équivalentes dans le massif de la Sainte-Baume ?

Ce fut le point de départ d'une controverse de 80 ans, entre ceux qui ne voyaient que plissements, cassures affectant des matériaux déjà sur place (autochtonie) et ceux qui imaginaient une nappe de couverture, venant du sud, rabotant les anciens reliefs, renversant leurs couches, entraînant des morceaux qu'on appelle "écailles" et dont l'érosion ne laisse que des vestiges (allochtonie).

La démonstration de l'allochtonie, défendue par Marcel Bertrand (1890), puis J.Répelin (1922), L.Lutaud (1924), J.Goguel (1950), G.Guieu (1967), fut apportée par un sondage réalisé en 1969 au nord du Plan d'Aups. Jusqu'à 16 m de profondeur, on traversa le Jurassique inférieur de l'unité de La Roqueforcade, puis un mètre de zone broyée. A 17 m et jusqu'à 22 m, on trouva le Crétacé supérieur. Il s'agissait bien d'un morceau de nappe posé sur des terrains plus récents.

Grâce à cette preuve irréfutable, le massif de la Sainte-Baume est devenu pour les géologues du monde entier le lieu de la première démonstration et l'exemple même de l'allochtonie. Nombre d'étudiants viennent y faire des observations sur ce massif karstique exceptionnel.

(Extrait de l'article d'André Bailly paru dans le Jounal n°11 du Pays Sainte-Baume)

Les séries renversées (35 millions d'années)

La série de schémas que nous proposons ci-dessous, extraite du cédérom Flore des crêtes du Pays Sainte-Baume, créé en 2000 par l'association Découverte Sainte-Baume, apportent une explication visuelle de la formation des couches renversées tel qu'elle s'est produite à la Sainte-Baume au cours du charriage.

Pris en étau entre la plaque ibérique et la plaque européenne, le bassin provençal se plisse. La chaîne naissante émerge des mers. Sa voûte anticlinale est soumise à l'érosion aérienne.
Il y a 35 millions d'années, le serrage est maximum. Le flanc sud du massif se décolle. Une vague calcaire avance vers le nord, d'abord sans rencontrer de résistance. Mais, dans un second temps, elle emboutit et chevauche le flanc nord.
Sous le choc, celui-ci bascule et se renverse.
Le flanc sud, constitué de couches en position normale continue sa progression vers le nord en laminant les couches renversées.
Entre 30 et 10 millions d'années, une série de poussées verticales donneront un relief altier au massif. L'érosion s'attaquera à ces nouvelles structures ne laissant au nord que des lambeaux de la série normale et découvrant la série renversée qui forme de nos jours la haute chaîne de la Sainte-Baume, du pic de Bertagne au baou de Saint-Cassien.
A l'origine de la formation du massif :
le plissement pyrénéen (65 millions d'années)
La formation du massif de la Sainte-Baume a la même origine que le plissement pyrénéen. On attribue ces formations au déplacement de la péninsule ibérique par rapport à la plaque européenne. Elle commence à s'en détacher il y a 120 millions d'années et amorce un vaste mouvement de rotation, creusant alors le sillon pyrénéen.
Il y a 65 millions d'années, le mouvement change : la péninsule ibérique entre en collision avec la plaque européenne, ce qui provoque la formation des Pyrénées.

Le sud-est de la France, propulsé vers le nord-est d'une centaine de kilomètres, subit des déformations dont une des plus importantes est celle du massif de la Sainte-Baume.

Le massif de la Sainte-Baume, château d'eau de la région, est aussi

un haut-lieu de la spéléologie

Un important réseau de rivières souterraines et de nombreux avens sont explorés par les spéléologues.Le gouffre du Petit Saint-Cassien est connu mondialement.

Des résurgences importantes ; La Foux de Nans, la Figuière à Tourves, la source vauclusienne
de l'abbaye de Saint-Pons à Gémenos, la Castelette au Plan d'Aups (qui donne naissance à l'Huveaune), la source des Orris à La Roquebrussanne, la source du Raby à Signes... sont alimentées par une forte pluviométrie dûe au relief. Plusieurs rivières y prennent naissance : l'Huveaune, la Vède, le Peyruis, le Gaudin, le Caramy, l'Issole, le Gapeau, le Fauge...

Le massif de la Sainte-Baume est considéré comme le principal château d'eau de la région.

L'abîme de Maramoye

en bordure du plateau de Siou-Blanc, le Maramoye ("la femme maudite") a été exploré vers 1920.
Il atteint -127 m.

Le Pic de Bertagne

à l'extrémité ouest de la chaîne de
la Sainte-Baume, le pic de Bertagne domine
la côte méditerranéenne de ses 1042m.
(dessin de Yannick Pignol)