patrimoine du Pays Sainte-Baume
ne se limite pas à son trésor écologique et aux vestiges
du passé. Il réside aussi en ceux qui ont contribué au
développement de la pensée. Parmi les scientifiques du Pays Sainte-Baume
qui ont le plus apporté à la science au XIXème siècle,
période de bouillonnement intellectuel, Gaston de Saporta est sans doute
le plus remarquable.
Nous vous proposons quelques pages issues d'une communication à l'Académie
des Sciences et Lettres de Montpellier de Monsieur André Bailly, auteur
du livre "Défricheurs d'inconnu" (Edisud), prix de l'Académie
des Sciences 1994. Dans cet ouvrage, l'auteur relate la vie et les travaux de
quelques savants - Pei-resc, Tournefort, Adanson, de Saporta -qui, se relayant
sur trois siècles, témoignent de l'acquisition progressive des
connaissances et du lent cheminement de l'esprit scientifique.
En France, l'itinéraire de la famille Saporta commence à Montpellier.
Louis Saporta arrive de Saragosse à la fin du XVème siècle,
cadet d'une famille dont la branche aînée, restée en Espagne,
s'éteindra quelques générations plus tard.
Il a exercé la médecine et il est reçu docteur à
Montpellier. Aux générations suivantes, des descendants seront
des médecins des rois de Navarre, y compris le futur Henri IV.
Faute de descendance mâle, sous Louis XIV, la branche cadette prend le
relais avec des militaires; le titre de marquis lui sera conféré
sous Louis XV et le père de Gaston de Saporta, officier, chambellan du
Roi de Bavière, épousant une riche héritière, Irène
de Fonscolom-be, quitte l'armée pour s'occuper de ses propriétés,
à Aix et aux environs.
C'est à Saint-Zacharie, dans le Var, au pied de la Sainte-Baume, que
naît Gaston de Saporta en 1823. Il fait des études normales mais,
au moment de passer le baccalauréat, il est malade au point
qu'on lui administre l'extrême-onction. Il
ne sera pas bachelier car il ne reprend
pas d'études; ayant acquis la culture, il
ne pense pas nécessaire de posséder le
diplôme. La vie d'un jeune homme for
tuné l'attend, il aime la littérature, il écrit
des vers, il collectionne les monnaies.
Bien qu'il ait eu, du côté maternel, des
ascendants qui se sont occupés de miné
ralogie, de sylviculture, et que son père
soit devenu un spécialiste des insectes
de Provence, il ne porte pas d'intérêt aux
sciences. 1 //
Il se marie en 1846, un enfant naît l'année suivante. En 1850,
un drame se produit; au moment d'une nouvelle naissance, la fièvre puerpérale
emporte sa femme et ce second enfant. Il rompt avec la vie mondaine; avec son
père il aménage des parcs, en particulier à Saint-Zacharie,
dans une nouvelle propriété où ils plantent des essences
rares.
Il s'initie à la botanique, avec des voyages dans les Alpes et en Suisse
et aussi il remarque des pierres que vendent des antiquaires d'Aix, venues des
carrières au nord de la ville, où on reconnaît des empreintes
de poissons, d'insectes, de feuilles.
1
C'est à l'étude des plantes fossiles qu'il va consacrer son temps,
au service d'une science naissante, la paléobotanique.
L'étude d'empreintes de plantes n'est pas entièrement nouvelle.
On connaît la flore étrange et complètement disparue, dont
la trace est conservée dans les gisements de charbon des mines du Nord
et du Massif Central. Elle existait dans des temps très anciens, constituée
en grande partie par des fougères arborescentes et on se plaît
à imaginer l'allure et l'ampleur des forêts qui ont donné
naissance à des roches combustibles.
Au nord d'Aix, c'est apparemment bien différent et la curiosité
est moins attirée. On reconnaît des feuilles banales, des aiguilles
de pin, rien d'étrange et on pourrait considérer qu'il n'y a pas
là matière à s'attarder. Et pourtant la récolte,
l'analyse et la détermination de ces vestiges vont retenir Gaston de
Saporta, avec d'autres travaux, pendant près de vingt ans. Récolter
est relativement simple, et les carriers lui fournissent souvent du matériel;
analyser est déjà plus difficile et il faut souvent de nombreux
fragments pour distinguer tous les détails. Gaston est servi par un don
exceptionnel de dessinateur et il ne rédige une description que quand
il a mis au point un dessin complet. Il reste ensuite à déterminer,
c'est-à-dire comparer avec ce qui existe actuellement, et situer la plante
dans la classification générale.
C'est difficile avec presque uniquement des feuilles et il déduit de
ses observations que c'est la disposition des nervures qui peut servir de guide.
Certains seront inquiets de ses diagnostics mais ils seront très généralement
justi-fiée
Au total, Gaston de Saporta définii près de 500 espèces,
d'une flore différente de la flore actuelle mais qui m manque pas de
parenté avec elle. Poui que ces plantes arrivent jusqu'à nous,
il i fallu qu'elles soient entraînées vers des eaux calmes et emprisonnées
dans des limons qui se sont ensuite pétrifiés.
Cela atteste la présence d'un lac en touré de reliefs. Gaston
de Saporta ima gine le paysage de l'époque et reconsti
de li
tue ainsi un moment de l'histoire terre.