De la fontaine à la table
Les poteries pour le transport de Veau en Provence et en Languedoc
Parlo pichet, l'aigo s'escapo.
Sant-Meissemin, Idngi carriero, aigo de pous, femo parliero.
Aforço d'ana au pous, la dourgo s'esclapo.
Tant va l'orjol a l'aigua entro que se trenca.
Chasque matin, se Diéus hou vdu, van aqui rampli soun ourjdu.
0 10cm
Fig.l
Pichet des ateliers d'Ollières (Var)
XlVème siècle
Toute une série de vieux dictons populaires souligne le rôle social
important de la source d'eau publique dans le sud méditerranéen
de la France et désigne la poterie - pichet, cruche, orjol - comme le
moyen de transport de l'eau depuis la fontaine, la citerne ou le puits, jusqu'à
la table.
C'est donc une préoccupation commune d'allier grande capacité,
légèreté et solidité qui poussera les potiers méridionaux
à tourner des récipients ventrus munis de fortes anses permettant
le portage, sur des parcours parfois longs, et les manutentions du service.
C'est aussi leur faible prix de revient qui favorisera la
propagation des produits en terre cuite.
La forme la plus simple est le pichet à panse ovoïde ou sphérique
surmontée d'un col tubulaire évasé dont la lèvre
pincée en forme de bec détermine un conduit d'écoulement
du liquide; une anse collée au col et à la panse à l'opposé
du bec favorise la manipulation. Dans les parlers de langue d'Oc, il est appelé
pechié, pe-chiero, boucau, poutarras.
Cette forme, connue depuis la plus haute Antiquité, est largement reprise
dans les ateliers du bas Moyen-Age et
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Fig.2
Pichet de la vallée de l'Huveaune
XVIIème siècle
tout spécialement lors de la réapparition de la poterie vernissée
à cuisson oxydante dans le courant du XlIIème siècle (Fig.l).
Mais ces premiers pichets sont de dimensions modestes, leur remplissage s'effectuant
par immersion dans un récipient plus important, seau, jarre, conque.
Dès le XVIIème siècle, la panse du pichet tend à
se développer au détriment du col, mais ses dimensions restent
moyennes, à la mesure de sa fonction sur la table (Fig.2). C'est à
partir du XVIIIème siècle que le pichet atteint un volume respectable
pouvant approcher des 10 litres. L'anse latérale ne permettant plus le
portage bien droit, une petite anse horizontale est collée sur le haut
de la panse, sous le bec; en y passant une cordelette attachée de l'autre
bout à la première anse, il est beaucoup plus aisé de por-
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Fig.3 Gros pichet à eau de la vallée de l'Huveaune XVIII/XIXème
siècle.
ter le pichet en le suspendant à un bâton de portage ou au bât
d'une bête de somme. Ce dispositif montre que ces gros pichets (Fig.3)
sont utilisés pour le transport des liquides, mais de larges traces d'usure
sous le fond, à l'aplomb du bec, prouvent qu'ils ont aussi leur place
sur la table. Simple-